MAGA: Make Analogue Great Again
J’ai quitté Facebook il y a maintenant un peu plus d’un mois. Enfin, quitté, le mot est un peu fort, tellement Facebook est omniprésent partout sur Internet et a réussi, incroyablement, à privatiser un lieu sur lequel on se rend avant tout parce qu’il est censé être un espace ouvert et libre.
Mon compte est donc toujours actif, et le restera à priori puisque j’ai été trop investi dans ce réseau par le passé, mais j’en suis déconnecté partout et j’y vais très rarement, en espérant tomber sur l’une des rares fois où le réseau m’a apporté quelque chose de positif.
Car la positivité, c’est précisément ce qui manque aux réseaux sociaux en général, et à Facebook en particulier. La jalousie, la frustration, l’énervement face aux opinions extrêmes qui se banalisent, il y en a à foison, et le souci, c’est que quand on ressent ce genre d’émotions devant l’écran, on les garde avec nous au moment de se déconnecter.
Je me suis donc déconnecté de Facebook pour retrouver ma positivité. Celle de ma jeunesse, où tout ça n’existait pas et où la seule chose qu’on pouvait voir quotidiennement, c’était le Club Dorothée. Qui était le plus proche qu’on pouvait trouver de la surabondance, vu le temps absolument dément qu’ils passaient à l’antenne chaque jour pour l’époque, mais encore bien loin de l’omniprésence qu’on sent partout aujourd’hui. C’était avant le numérique, ma jeunesse. Tout était analogique.
Ca m’a fait réfléchir à ce que le numérique nous a réellement apporté? Coté pile, c’est l’illimité et l’instantanéité. Coté face, c’est la perte de la conscience de soi face à la surabondance de vie des autres qu’on peut observer en temps réel, H24.
Quand Internet est arrivé en France et dans le monde, il passait par des réseaux téléphoniques surtaxés qui faisaient qu’on ne passait pas trop longtemps en ligne: on se connectait, on faisait ce qu’on avait à faire, et on se déconnectait pour reprendre le cours de sa vie normale. Les e-mails, qu’on consulte maintenant en temps réel, étaient très occasionnels à l’époque, et mes échanges avec ma meilleure amie partie vivre aux Etats-Unis se faisaient par courrier aérien. Pour lire une BD que je n’avais pas le moyens d’acheter, j’allais à la FNAC m’asseoir dans les rayons, au lieu de pouvoir tout trouver dans les boutiques en ligne, voire sur des sites qui publient les derniers mangas avant même leur sortie officielle. Si je faisais des photos, j’avais 36 poses sur mon film, et tant qu’il n’était pas fini, je patientais pour les découvrir. Si je regardais Dragonball à la télé, c’était à la merci des diffuseurs qui décidaient quel épisode j’allais voir, et si je pouvais regarder la série jusqu’au bout (après toutes ces années, nombreux sont ceux d’entre nous qui regardaient religieusement Ulysse 31 ou Jayce et les conquérants de la lumière, mais n’en ont jamais vu la fin). Bref, l’ère analogique, c’était plein d’inconvénients, mais il fallait prendre son temps et avancer lentement. Et c’était chouette en fait.
Je ne crache pas sur ce que nous a apporté le numérique, et l’abondance qui va avec: c’est chouette de pourvoir converser en direct avec quelqu’un qui est à l’autre bout du monde, de découvrir en avance une histoire qu’on adore ou même simplement de pouvoir consulter, retoucher, imprimer et insérer dans son journal une photo prise le jour même. Le numérique a plein de bons cotés.
Mais quand on enlève d’un coup 100% des limitations, il y a aussi un contrecoup: les e-mails gratuits, ça engendre un volume terrifiant de spam, comme les appels et SMS gratuits d’ailleurs. Le stockage de photos illimité, çe fait qu’on prend 35 photos identiques qu’on ne regardera absolument jamais. Les messages instantanés, ça fait qu’on a toujours plusieurs discussions en cours, en permanence, même quand on dort. Oui c’est « gratuit » et il n’a jamais été aussi abordable de faire à peu près tout et n’importe quoi qu’aujourd’hui, mais parfois, il faut savoir se limiter tout seul pour garder les avantages et ne pas se laisser déborder par les inconvénients.
D’où mon idée: entre accepter de voir sa vie gouvernée par ce qu’on peut, mais ne veut pas forcément faire, et rejeter en bloc tout ce que le progrès nous a apporté, il y a une voie médiane. Et cette voie médiane, c’est un esprit analogique dans un monde numérique. Exploiter les possibilités, tout en sachant se limiter pour ne pas en subir les effets pervers. Ralentir intentionnellement, se réhabituer à réfléchir en amont, pour gagner du temps et de la sérénité en aval. Ne pas dire non au numérique, mais l’exploiter correctement.
Ce sera l’objet de cette série d’articles, comment appliquer la philosophie d’un monde aux ressources limitées à un monde où on nous pousse à croire que tout est infini. Pour ralentir, reprendre le contrôle, et respirer sans se laisser happer par la matrice. Mon but est de tenter de reprendre le contrôle pour vous montrer que c’est possible, souhaitable, et vous donner envie de vous approprier cet état d’esprit. Chaque article, je prendrai un domaine en particulier où je vais retrouver la manière de faire à l’ancienne, et je vais trouver un moyen de l’adapter au monde actuel et à ses possibilités, sans se laisser déborder.
Un grand photographe m a dit un jour « tu dois remplir ta tête de tes propres pensées, pas de celles des autres ». Ceci est le premier pas vers mes propres pensées. Et les votres.