079 - La technique, c'est tout ce qui te permet de te débarrasser de la technique - Nath Sakura
S'il y a un nom qui est revenu en boucle dans les suggestions d'invités ces dernières années, c'est bien celui de Nath Sakura. Derrière ce nom se cache une artiste aux multiples facettes et à plusieurs vies qui a choisi de mettre en avant son travail plutôt que sa personne, et quand on voit le travail et la fidélité de ceux qui suivent ses formations depuis plusieurs années, on ne peut qu'être admiratif devant cette constance quand il serait si facile de se mettre en avant en déroulant son savoir.
Dans cet épisode, on parle:
de sommeil alpha,
de Platon contre Poutine,
de flashmètre,
du théorème du singe,
des harmonies de couleurs,
de grand angle,
du vrai fine-art,
du travail à fournir pour être créatif,
du sens des mots,
des photo-copieurs,
de donner du sens à ce qu'on photographie,
de subjectivité
mais surtout, on voit que la première des règles de lá rt, c'est qu'il n'y a pas de règles.
Bienvenue dans l'oeil de Nath Sakura.
LEGOS DE L'ÉPISODE:
Je voulais être prof de fac en philosophie et je n’ai jamais trouvé de travail, donc j’ai échoué en photographie.
En fait je ne me définis pas comme Fine Art. Fine Art, c’est un titre qu’on m’a collé au début des années 2000, et le fine art à l’époque aux Etats-Unis, c’était de réussir à créer des photos les plus exceptionnelles possibles sans l’intervention de Photoshop… sauf que depuis une dizaine d’années, le fine art, c’est exactement l’inverse, ce sont des photos excessivement retouchées. Mais mes photos sont fine art au sens premier du terme, c’est à dire réussir à créer des images qui paraissent exceptionnelles, par le biais de la simple photographie et de la maîtrise de la lumière.
La plupart des informations qui circulent sont soit parcellaires, soit mal digérées, soit erronées, et des tas de mots sont utilisés à contresens.
Le fait d’avoir un vrai travail sur les mots et sur le sens réel des choses va être essentiel.
La plupart des photographes ne sont pas des photographes, ils sont des photo-copieurs, c’est à dire qu’ils vont prendre ce qu’ils voient avec leurs yeux, sans intervention, sans médium, sans compréhension et sans recul, et ils vont photocopier le réel, Sauf que c’est une incompréhension complète qui fait qu’ils ne sont pas photographes au sens où moi je l’entends. Photographe, ça signifie qu’on veut faire apparaitre une émotion, cette émotion ne peut apparaitre que par le biais d’un médium qui est celui de l’artiste qui va voir une réalité et y transposer sa propre subjectivité, et sa propre subjectivité ne peut intervenir que par le biais d’une technique qui est celle de la transformation de l’éclairage.
C’est ce changement sur la réalité qui fait que la photographie devient un art. Si vous ne photographiez que ce que vous voyez, vous n’êtes pas un artiste, vous prenez le réel que vous mettez en 2d sur une feuille de papier.
Tous les grands photoreporters ont compris à un moment ou un autre que la transformation du réel par le biais de l’objectif photographique et de la méthode photographique permet de faire exister des réalités alternatives.
Le photoreportage, c’est quoi? C’est le fait d’être témoin d’une situation, d’un évènement, d’une action, et surtout… de lui donner du sens. C’est pour ça que les photojournalistes ont une carte de presse, ce sont des journalistes.
Donner un sens, ça veut dire qu’on va faire intervenir sa propre subjectivité pour donner une réalité.
Ca n’est que de la subjectivité. Le fait d’être photographe, c’est d’être conscient de cette subjectivité et de dire que par le biais de celle-ci, je vais faire apparaitre la réalité que j’ai envie de montrer.
La réalité n’existe pas. Penser que la réalité existe en tant qu’objet objectif hors de nous-même, c’est une absurdité complète… tout ce que tu vois, crois savoir, crois exister, n’est que ton point de vue dans l’état de conscience dans lequel tu te trouves.
Etre photographe, c’est faire apparaitre par le biais de l’art quelque chose qui n’est pas dans l’image.
Je déteste notre époque, je déteste le fait que pour faire passer des mots, des émotions, des idées, il faille se mettre en scène.
Le fait de personnifier un artiste, un créateur, une personne, ça aboutit au fait qu’on va juger son art non pas en fonction de ce qu’il fait, dit ou crée, mais en fonction de ce à quoi il ressemble et de sa façon d’être. Sauf que la personne ne compte pas…
Etre créatif, ce n’est pas quelque chose qui est persistent et permanent. Aucun créateur n’est créateur en permanence.
En réalité, qu’on soit créateur ou pas, nous rêvons tous.
Etre créatif, c’est un travail, c’est pas quelque chose qui vient tout seul, tout digéré, tout créé.
Il faut avoir de la technique: aussi bien de la technique photographique et de la technique d’éclairage, que de la technique en création. ä création, ça s’apprend.
Il faut commencer par voir, et pour voir il faut apprendre à regarder.
Une photo qui montre mille choses est une photo perdue d’avance.
Quand on est petit, on dit non, et on a raison, et après notre cerveau se rend compte que c’est tellement plus facile et agréable de dire oui, et on dit oui à tout… et on se rend compte en fait qu’on se perd.
On a tous l’impression que les grands photographes font des one shot… en réalité, on peut faire des photos exceptionnelles en attendant le bon moment.
Ne prenez pas beaucoup de photos. prenez les bonnes photos, et économisez vous de manière à avoir l’esprit ouvert au moment où il va se passer quelque chose.
En éclairage, ce qui compte, c’est l’ombre, c’est pas la lumière.
Il n’y a aucune règle. Les règles, c’est bon pour la comptabilité, c’est bon pour le code de la route et c’est bonjour les lois du code civil. L’art n’a rien à faire des règles.
La technique, c’est tout ce qui te permet de te débarrasser de la technique. Une fois que tu sais que ta lumière est parfaitement placée et ton appareil parfaitement réglé, tu n’as plus besoin de te préoccuper de ça.
C’est le vrai grand problème de la plupart des gens qui se lancent dans la photographie, la plupart n’ont pas d’intention.
On prend des gens en otage, mais on ne prend pas de la photographie: on crée de la photographie.
« J’ai longtemps vécu seul sans personne à qui parler véritablement »(Le Petit Prince)… L’intention, c’est essayer de commencer à parler véritablement et de trouver enfin des interlocuteurs.
DANS CET ÉPISODE, ON PARLE DE:
Jean Paul Goude
Photo d’Henri Carter Bresson:
Oliver Saillard
Recommandation d’invité: Christian Bromley
A propos du Podcast:
Hôte: Julien Pasternak - Instagram - LinkedIn - Clubhouse
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Générique d'intro: Joakim Karud (https://soundcloud.com/joakimkarud)
Générique de fin: Dyalla Swain (http://soundcloud.com/dyallas)