078 - Si tu veux maîtriser quelque chose, il faut pratiquer beaucoup - Oliver Saillard
Oliver - pas Olivier - est un de mes amis et un excellent photographe de mariage, mais au delà de son travail c'est aussi une personne complexe, intelligente, attachante et pleine de bon sens. C'est aussi un bon exemple à suivre pour qui voudrait progresser sérieusement dans sa pratique photographique, et nous allons notamment aborder son coté compétiteur et la façon dont il lui permet de se dépasser et de repousser sans arrêt ses limites.
Dans cet épisode, on parle :
de ne pas dessiner une ligne dans le sable et d’être capables de discuter de choses sur lesquelles on ne s’entend pas,
de mariage dans une salle des fêtes,
de vélo d’appartement,
de Steve Martin et du temps qu’on passe réellement à maîtriser son art,
de faire un effort avec les clients relous pour sortir la quintessence de leur évènement,
de créer des séries photo,
on bat le record de fois où on dit « moment »dans une phrase,
on reparle des plateaux repas et des DJs,
mais surtout, non, on ne dit pas que les fachos sont sympa!!
Bienvenue dans l'oeil d'Oliver Saillard.
LEGOS DE L'ÉPISODE:
J’ai des idées qui sont complexes, je suis pas sur d’avoir raison - je pense avoir raison, mais je suis ouvert au fait de pouvoir me tromper - et j’aime bien discuter.
Mon but c’est d’essayer de convaincre les gens et du coup c’est de la pédagogie. Je ne crois pas que la majorité des gens aient des valeurs qui soient vraiment opposées aux miennes, au contraire, je pense que tout le monde a à peu près envie de la même chose… mais que les solutions qu’ont les gens sont différentes. Moi je pense que celles que je défends sont meilleures, donc j’essaie de les convaincre de ça, mais le but c’est pas de braquer les gens.
C’est assez intéressant de suivre des gens sur le long terme. Tu vois l’évolution des gens… et ils voient l’évolution dans ton travail aussi, c’est important de partager ça sur des galeries entières et pas que sur ce qu’on montre de notre communication.
On a de base un métier très solitaire la semaine, et rentrer dans un open space où on discute avec ses collègues tous les jours, ça fait énormément de bien mentalement… et c’est aussi pour notre travail un outil… qui permet d’avoir un retour rapide sur des petites questions, et d’avoir un suivi de son travail au long terme, d’avoir des réflexions business qui peuvent être très poussées.
Je cache mon ancienne timidité sous un excès d’exubérance et de confiance… après, qui je suis se voit dans mon travail, c’est évident et c’est quelque chose que j’ai compris très vite.
J’ai trouvé dans le mariage des réponses à des questions que je ne me posais pas encore sur mon histoire de famille.
Je sais que qui je suis, ce qui est important pour moi, joue énormément sur mes photos.
C’est des moments qui vont m’attirer, comment tu montres en photo une relation de fratrie? C’est des choses que je vois et je sais que ça m’attire. Et donc j’ai compris avec ça que c’était une question que je me posais inconsciemment.
Mon choix se fait au tri et pas à la prise de vue… Ce qui me fait garder une photo, c’est forcément l’émotion plus que le reste, ou le sens de la photo.
Peut-être que c’est ça être créatif, c’est faire des choses que les autres n’auraient pas pu penser?
Si tu veux maîtriser quelque chose, il faut pratiquer beaucoup, ce qu’on ne fait souvent pas assez… même les guitaristes de classe mondiale, tous les jours ils bossent leurs gammes… et on devrait faire ça comme photographe.
Le coté instinctif, c’est d’avoir su qu’il fallait se mettre à plat ventre et que c’était comme ça que la photo marchait.
Il y a un an, j’ai re-regardé mon premier mariage pour voir s’il n’y avait pas de pépite cachée dedans, et non globalement, il y a quelques photos bien, mais il y a aussi beaucoup de choses que j’aurais pas gardé aujourd’hui.
Il y a aussi un biais: je montre mes meilleurs photos et mes meilleures photos, c’est celles où j’ai réussi ma compo.
Ce que j’ai ressenti cette année, et qui m’a aidé sur mes compos, c’est vraiment participer aux concours, et pas participer juste pour jouer, mais aussi le temps passer à regarder ou les bonnes photos, ou les analyses de photos, comprendre pourquoi les miennes ne sont pas assez fortes, ce qui manque, et quelle est la différence avec les bonnes photos, et ça ça te permet d’emmagasiner instinctivement qu’est ce qu ‘une bonne photo, et c’est un truc que j’ai ressenti 3-4 fois dans l’année où j’ai ressenti que j’étais bien placé parce que j’avais une mémoire visuelle de ce qui marchait et que j’avais le temps de réagir.
Plus on regarde en réfléchissant les photos pour savoir ce qui est bon… il y a des gens qui sont tellement au dessus sur ce plan là…
C’est aussi quelque chose que Mauricio a dit sur moi, il disait que j’étais pas poli, pas raffiné sur les bords, que j’étais un produit extrèmement fonctionnel… c’est marrant parce que ça me correspond aussi dans la vie, dans les objets que je vais utiliser je vais chercher la fonctionnalité et pas du tout la finition.
La progression, moi je vois ça plutôt comme une roue où il y a les trois aspects (moment, compo, lumière) et où je sens qu’il y a des moments où je vais être concentré sur les moments et donc améliorer mes moments, et au bout d’un moment je vais être au niveau que je veux sur les moments, et je me dis que la compo est un peu en dessous, donc je vais bosser plus al compo pendant un moment jusqu’à ce que ça s’améliore, et ensuite … je vais passer sur la lumière. C’est plus une roue qui se déforme un peu, donc on va bien améliorer un domaine pendant que les deux autres vont légèrement diminuer, puis on va repasser aux autres pour faire grandir la roue… pas de manière très uniforme mais morceau par morceau.
(Sur la comm a destination des mariés) c’est très frustrant parce que je sais vraiment ce que je veux dire, et je trouve pas vraiment le temps, l’énergie pour le dire suffisamment ou comme je voudrais.
Aujourd’hui, je me dis que je vais me servir du mariage comme du meilleur prétexte possible dans une vie pour raconter au mieux l’histoire d’un couple, de ses amis et de sa famille. Tout ce qui est decorum du mariage, j’en ai rien à faire.
J’ai vraiment intimement la conscience d’avoir une énorme responsabilité, ou je me la mets.
Je suis pas sur qu’on apprenne notre métier un jour, c’est juste que la presta minimum que tu es capable d’assurer, son niveau augmente, lui, et c’est ce qui est important, mais il y a quand même un coté artiste dans notre métier et ça du coup, je pense pas qu’on puisse l’atteindre.
L’appareil photo donne quand même une distance qui est intéressante. Quand j’ai découvert la photo, j’ai découvert des choses en me mettant à la bonne distance émotionnelle du sujet: je suis suffisamment impliqué pour le ressentir, le comprendre, et suffisamment éloigné pour pas le vivre trop fort et pas en souffrir quand c’est quelque chose que j’aime pas.
Je ne vois pas l’appareil comme un écran, c’est vraiment la réflexion photo: tu réfléchis à faire une photo, et ça ça fait une vraie différence, bien plus qu’un écran.
La photographie de mariage, c’est vraiment un moyen de rencontrer plein de gens de cadres différents.
C’est à la fois mon regard et ce que je sais faire, et ça limite aussi ce que je pourrais faire d’autre.
C’est plus facile parce que je sais vraiment ce que je veux dire (sur les séries en général et la série de Rise Cup en particulier)
La difficulté d’un mariage, c’est de comprendre en un temps limité qu’est ce qui est important pour le couple et comment tu vas raconter ça.
La photographie de mariage, c’est peut-être la discipline la plus facile en photographie et c’est pour ça qu’on se doit d’avoir une exigence énorme envers nous même. Par rapport à la photo de rue, on a un avantage énorme: tout le monde est content, tout est beau, et on a un accès quasiment illimité à tout ce qui se passe… du coup c’est facile de faire de bonnes photos et du coup, on se doit de faire le mieux possible.
C’est là où ça devient intéressant: qu’est ce que tu en fais d’intéressant en respectant quand même les codes?
Les mariages sont connus pour être des évènements magnifiques, notre boulot c’est de pas être distrait par ça. (Two Mann)
Les matches les plus intéressants, c’est quand tu tombes sur tes potes d’entraînement, et qu’il y a une saine rivalité, une compétitivité amicale qui est géniale. Et j’ai envie d’être meilleur que mes potes… mais j’arrive à garder le coté fun et amical et pas important du truc.
(Second shooter) ça m’a fait réaliser qu’à chaque fois que dès que je commence à fatiguer un peu, je repasse en mode automatique… la préparation physique au métier est hyper importante.
Quand je me présente, je dis que je suis photographe de mariage… parce que j’en suis fier, et je trouve que c’est important d’en être fier.
J’ai choisi de cacher mes doutes et mes défauts, tout ça, sous une exuberance plutôt que sous une timidité, je trouve ça plus marrant, mais ça revient au même au final.
DANS CET ÉPISODE, ON PARLE DE:
Série qui a gagné la Rise Cup - lien magazine
Livre: Salgado: La main de l’homme
Mauricio Arias
Roberto Valenzuela
Patrick Lombaert
WIlliam Lambelet
Two Mann
Rise Up
Franck Boutonnet
Ian Weldon
Photos de 72h - étudiant Vs Uber Eats
Photo Rocky et Luan
Renaud Julian
Recommandation d’invité: Kasia Strek
A propos du Podcast:
Hôte: Julien Pasternak - Instagram - LinkedIn - Clubhouse
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Générique d'intro: Joakim Karud (https://soundcloud.com/joakimkarud)
Générique de fin: Dyalla Swain (http://soundcloud.com/dyallas)