062 - Plus tu es près, moins on te voit - Cedric Roux
Cedric Roux s’est longtemps intéressé à la photographie par les livres, sans la pratiquer, et il a finalement vaincu sa timidité lors d’un voyage à New York il y a 10 ans. Il est depuis devenu un photographe reconnu, de nombreuses fois récompensé, et de plus en plus investi dans de beaux projets autour de la photographie, même s’il préfère qu’on s’intéresse à son travail plutôt qu’à sa personne.
Dans cet épisode, on parle:
d’ avoir un vrai boulot,
de savoir rester simple,
de regarder loin devant soi,
du meilleur appareil photo du monde,
d’ être au pied du mur,
de faire semblant d’ être un touriste,
d’ arrêter les selfies,
de New York comme eldorado,
de chercher à montrer différemment,
de jouer en équipe,
de recadrer ses photos,
de coller les gens,
de droit à l'image,
d'ombre et de lumière,
de choisir ses amis,
de l'aboutissement de sortir son livre,
d'aller chercher les choses plutôt que d'attendre qu'elles nous tombent dessus,
du hashtag #revueepic,
des petites victoires qui valent de grands moments,
mais surtout, on va parler de photographier les touristes qui eux mêmes ne se gênent pas pour nous photographier.
Bienvenue dans l’œil de Cédric Roux.
LEGOS DE L'ÉPISODE:
J'essaie de faire des photos toutes simples de gens que je croise dans la rue.
J'ai un travail à coté parce que la photo c'est avant tout une passion.
(Sur le livre de Joel Sternfeld - American Prospect) Toutes les images sont incroyables et ça montre qu'il n'y a pas besoin de se prendre la tête avec une flaque d'eau ou ce genre de choses qu'on voit beaucoup en ce moment. Juste montrez nous ce qu'il y a sous vos yeux et ça suffira largement.
Je déclenche peu mais je peux prendre n'importe quoi.
Je n'ai aucune règle pré-établie, il faut juste que ça m'interpelle.
Quand je marche, je me rends compte que je regarde partout autour de moi, que ce soit à 1m comme toujours à 50m, parce que j'aime bien prévoir ma scène. Et donc je regarde beaucoup en amont de mon avancée, et si je vois quelqu'un qui m'interpelle, je vais commencer à regarder entre lui et moi ce que j'ai comme décor, pour accélérer ou ralentir le pas pour être dans une bonne zone.
Le meilleur appareil photo du monde c'est celui que tu connais le mieux.
Je caressais l'espoir d'être un bon photographe si j'en faisais (*des photos - NDLR*), mais j'osais pas en faire parce que j'avais peur des réactions, et en fait une fois qu'on m'a offert un appareil photo et un voyage à New York, c'était compliqué de ne pas commencer, sinon je passais pour quelqu'un qui ne tente rien.
Quand tu es à l'étranger, tu peux vraiment faire semblant de ne pas parler la langue si on t'interpelle.
A l'époque j'avais ps ce réflexe, pour mois il fallait être dans une grande ville pour faire de la street photography. Je ne me voyais pas pratiquer la photo dans une ville où je serais le seul à le faire.
Je me pose rarement des questions, j'avance.
J'essaie de montrer aux gens ce que les gens ne prennent pas le temps de voir.
Je ne montre pas pour montrer ou pour ramener du monde sur ma personne.
Je suis un peu gêné de cette époque où on se met en avant plus que notre travail. Moi j'espère que mes photos seront plus vues que ma tête.
Montrez nous ce que vous avez vu plutôt que votre tête devant ce que vous avez vu.
Je repère très facilement si c'est un photographe avec une vocation artistique ou si c'est un mec en train de faire ses photos de vacances.
(New York- NDLR) c'est pas mon quotidien, c'est un truc que je découvre à chaque passage, et ça c'est très intéressant.
J'ai l'impression que c'est l'époque qui est comme ça, la vie est de plus en plus dure pour plein de gens, et ça me travaille en fait. Par contre, j'essaie de faire quelque chose de différent et de ne pas montrer des gens en galère.
J'essaie de ne pas me dire "je prends un seul sujet", vraiment moi je prends ce qui se passe, s'il y a un seul sujet, ben il y aura un seul sujet, s'il y en a 5 je vais essayer d'en mettre 5.
(sur les images avec un sujet isolé): Comme elles sont plus claires, elle vont impacter un peu plus le spectateur.
Instagram, c'est aussi un endroit où on met des photos pour rappeler aux gens qu'one existe, mais j'espère que les gens vont plus voir sur le site et prennent le temps de regarder sur le site, parce que c'est là qu'on exprime le mieux notre travail.
Je travaille au 28mm parce que j'aime beaucoup avoir un confort dans ma prise de vue... je ne coupe pas à la hache, mais je sais que je vais pouvoir me rapprocher un peu sur l'ordinateur.
Quand je prends une photo, la scène que je prends c'est pas celle de mon 28mm, c'est celle que j'ai en tête moi.
Avec un appareil photo, ma timidité s'envole, je m'en fous de savoir si on m'a vu, je m'en fous de me coller à quelqu'un.
Si tu sais que tu ne fais rien de mal et que tu as confiance en ton travail, personne ne te verra. Le gens qui vont me faire des reproches, généralement, c'est des gens que je ne prends pas en photo.
Les gens sont contradictoires dans la rue, ils se prennent en photo mais ne nous laissent pas les prendre... alors que notre photo va être généralement plus belle que leur portrait avec une langue de chien... laissez nous faire, on ne fait rien de mal.
Il faut avoir conscience de ce qu'on fait et être sur de soi... Tant que vous ne faites pas les choses dans le but de nuire à d'autres gens, on ne va rien vous dire, à part les gens mal lunés mais ça...
La zone d'ombre me gène peu du moment que dans la zone de lumière il se passe quelque chose d'incroyable. Ce qui compte, c'est ce qui est dans la lumière.
Les photographes New Yorkais que j'adore, ce sont des gens qui font très peu d'esthétisme et qui font des scènes de gens plus loufoques les uns que les autres.
Je ne mets pas de titre à mes images, mais généralement, au moment où j'appuie sur le bouton, j'ai un titre en tête et c'est ça qui me fait appuyer.
Quand j'explique une image à des gens, ils me disent "t'aurais du rien me dire, parce que je trouvais ça encore plus magique".
Il n'y a aucune magie, il faut se mettre dans le bon cadre.
Je suis partagé entre les images très rigolotes et les images très tristes.
(Sur sa série "droit à l'image"): Je voulais absolument avoir des touristes, parce que les touristes prennent tout le monde en photo.
J'ai zéro ambition professionnelle, ça m'aide de faire de la photo, ça serait compliqué à vivre si je n'avais pas de carrière de photographe à coté.
(Avoir un travail - NDLR) ça m'apporte une vraie tranquilité dans la photo parce que... si on me donne un objectif et que je ne le remplis pas, c'est pas grave. C'est de l'art.
Ma campagne (Ulule pour son livre - NDLR), je ne voulais pas que ce soit un objectif financier, je voulais que ce soit un objectif de nombre de livres. Je ne veux pas que vous me donniez 50€, je veux que vous vous procuriez mon livre.
Si on a un livre qui est sold-out, ça permet vraiment de passer à autre chose.
Moi je suis issu d'une famille très sportive, donc c'est pour moi quelque chose qui a du sens la compétition.
Souvent il y a des gens qui me disent "il t'arrive plein de choses à toi". Je vais les chercher, j'attends pas. On est beaucoup de photographes, donc si on attend qu'on vienne nous chercher, il va falloir être très très doué.
Il ne faut pas avoir de crainte (à participer aux concours - NDLR), au pire tu ne seras pas publié ou on va te donner des conseils.
Je viens du sport, du sport collectif, je trouve ça cool de pouvoir faire les choses à plusieurs, de pouvoir échanger sur la photo, et de ne pas rester devant ton ordinateur à te demander "Bon, qu'est-ce que je fais comme série maintenant?".
Montrer tes séries à des collègues, que eux te donnent leur avis, moi j'adore éditer le travail des autres et j'aime pas trop éditer mon travail.
Même si c'est à la mode maintenant, dans un an c'est dépassé, alors que si on fait un truc classique, dans un an ça sera toujours bien.
C'est l'avantage de faire de la photo pour s'amuser, il n'y a que des trucs cool.
Quand je regarde mon appareil et que je vois une photo qui me fait vibrer, c'est un pur moment.
Il n'y a pas de grand grand moment, mais plein de petites histoires, c'est de réussir à capturer un instant.
Le pire moment c'est quand tu vois une scène et que tu la rates, ça rend fou des fois.
DANS CET ÉPISODE, ON PARLE DE:
Ces photos:
Livres: Harry Gruyaert - Last Call & India
Livre: William Lambellet - Sept
Série Photo: Droit à l’image
La MAIF - Assureur Militant (je ne suis pas sponsorisé ;-) )
Recommandation d’invités:
A propos du Podcast:
Hôte: Julien Pasternak - Instagram - LinkedIn - Clubhouse
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Générique d'intro: Joakim Karud (https://soundcloud.com/joakimkarud)
Générique de fin: Dyalla Swain (http://soundcloud.com/dyallas)