063 - Une photo exploitable va être techniquement nette, une bonne photo va avoir du sens - Bertrand Bernager
Bertrand Bernager sort tout juste de l'école de photographie, mais a déjà un sérieux bagage et de sacrées références à son actif, lui qui était ambassadeur Sony et titulaire de prix prestigieux avant d’être majeur. De sa bonne relation avec quelques grands noms de la photographie à son établissement en tant que photographe professionnel, nous parlerons de sa déjà conséquente expérience de la photographie tout au long de cet épisode.
Dans cet épisode, on parle:
d'univers urbain,
de commencer la photo très jeune,
d'école de photo,
de ne pas faire comme tout le monde,
d'apprendre de ses erreurs,
de ne pas avoir de plan B,
de s'imposer des contraintes,
de prendre moins de photos,
de pose longue et de patience,
de prendre son temps,
de repérage et de bien préparer le terrain,
de voir les planches contact,
de noir et blanc,
de la lumière d'après la pluie,
mais surtout, on parle de l'instant décisif qui n'arrive jamais, sauf quand il arrive parfois.
Bienvenue dans l’œil de Bertrand Bernager.
LEGOS DE L'ÉPISODE:
Depuis tout petit, j'ai été baigné dans la culture de l'image.
(*Lors de son voyage au Japon en 2014 - NDLR*) J ai découvert que la photo n'était pas uniquement un moyen de documenter ses vacances... C'était aussi une manière de donner son regard sur l'environnement qui nous entoure.
(*Commencer la photo jeune - NDLR*) c'est à la fois une contrainte et un avantage... les profs au lycée, cé st vraiment une obsession ton orientation. Comme je ne voulais pas faire forcément comme tout le monde, et tous mes amis faisaient quasiment la même école, je me suis dit je ne veux pas être dans une ces, être dans la norme et faire comme mes profs voulaient que je fasse, et comme la photo était une obsession au quotidien, je me suis dit pourquoi pas me lancer dans les études de photo?
Le diplôme de photographe, au final, n'a pas réellement de sens. Quand un client t'appelle, il ne te demande pas ton diplôme d'école de photo, il te demande ton portfolio.
Quand tu es à fond dans un objectif et qu'il n'y a pas de plan B, tu es obligé que ça réussisse. Tu dois te démerder au quotidien, et c'est ce coté débrouille... que j'aimais bien.
Je par du principe que t'as pas le temps, il faut faire les choses directement, profiter de l'instant, et ne pas remettre au lendemain.
Tout le monde fait des erreurs, et le challenge, c'est d'apprendre de son erreur et de ne pas la reproduire.
Dans l'école de photo, j'ai vraiment fait des domaines que je n'aurais jamais pratiqués à coté...et plein e domaines où j'avais énormément de contraintes, on m'a imposé des projets que je n'aurais jamais eu la motivation de m'imposer par moi-même, donc l'école de photo m'a... obligé à avoir un autre regard.
Pas faire de photos sans réel but, mais avoir un cadre précis.
Avant l'école de photo, je ne faisais quasiment que des photos individuelles, je travaillais très peu par série et je ne pensais pas du tout aux à-cotés qui sont le titre d'une série, un texte pour accompagner le projet, même la question d'imprimer la photo.
Le travail en série est génial parce que moi, dans mon travail, j'adore m'imposer des contraintes.
Le fait d'avoir des contraintes et de so poser des barrières va nous obliger à tellement réfléchir sur nos images qu'au final on va parfois être plus créatif que si on part l'esprit libre et qu'on ne s'impose aucune limite.
Etre à 100% concentré sur les séries, c'est pas forcément avoir l'esprit qui divague sur autre chose.
Se mettre des limites, pour moi, c'est l'un des meilleurs moteurs en photographie et dans tous les domaines artistiques.
Il faut toujours avoir ces moments de liberté où on s'évade, il faut aussi parfois mettre la photo de coté et aller voir dans d'autres domaines, notamment le cinéma ou la musique.
Au fond de ma tête, j'ai toujours un thème, et dans la rue j'ai toujours le regard qui balaye la rue. J'ai un thème, un type de photos, un titre, et j'arrive à trouver dans la rue des choses en rapport.
J'en suis arrivé à un point où je prenais tellement de photos, je voyais tellement d'images sur mon ordinateur, que je n'arrivais plus du tout à prendre le temps d'apprécier mes images.
Peut-être privilégier moins de photos, mais plus réfléchies. Prendre moins de photos, prendre plus de temps.
(Steve McCurry - NDLR) au delà du statut de photographe, pour moi c'est un aventurier.
J'adore dans la photographie, à la fois le coté visuel, mais aussi le coté storytelling des images.
On est vraiment dans l'ère de la photo instantanée... et il y a très peu de travail, le temps de l'image est uniquement le temps de la prise de vue, et le temps de la réflexion du travail de recherche est parfois beaucoup plus court... Une photographie, c'est du repérage, il faut aller sur place, avoir une narration, et c'est vraiment tout ce travail de création de l'image, de réflexion pour arriver à l'image, tout ce voyage est plus impactant parfois que l'image elle-même.
C'est vraiment le coté magique de la photo, tu révèles quelque chose au naturel de physique et de mathématique qui est donc le mouvement humain, que l'appareil va figer sur la durée, qui est totalement naturel, et en même temps on ne pourra jamais le voir de nos propres yeux.
La pose longue, l'éloge de la patience et de l'attente.
L'instant décisif ça arrive, mais c'est rarissime.
Prendre son temps en photo de rue ça peut vraiment être gagnant.
Quand je m'arrête sur un endroit, en général la première photo c'est la plus ratée, et c'est la dernière photo qui est la bonne.
Plus tu vas prendre le temps de faire une photo, plus le tatonnement photo après photo va te rapprocher de ton idéal.
Une photo exploitable, ça va être une photo techniquement nette, mais une bonne photo ça va être une photo qui va avoir du sens, Des fois on se concentre plus sur la mise au point et l'exposition mais je pense que parfois il faut aller un peu plus loin et se freiner un peu, prendre moins de photos, mais prendre des photos qui vont nous faire plaisir.
Il ne faut pas hésiter à mettre un peu de son ADN dans ses photos, même si elles sont pour le client.
Je voyais tous les photographes à coté de moi qui prenaient les mêmes photos, je me suis demandé quel est le sens de prendre une photo que tout le monde va prendre? Comment se démarquer? Pourquoi pas tenter?
On avait des cours qui duraient cinq heures, on avait le droit de prendre deux photos. Deux photos en cinq heures. C'est l'éloge de la lenteur.
Commencer avec un appareil argentique... on apprend à travailler la composition, à prendre le temps, et à faire moins d'images, mais beaucoup plus abouties.
Le repérage, dans mon travail, est devenu essentiel.
Dans les guides touristiques, on a jamais les lieux atypiques.
Pour moi, l'inconnu, le coté hasard, est beaucoup moins présent, j'aime bien quadriller les projets, avoir des google maps où j'ai des dizaines de lieux repérés. Je repère les lieux, je repère l'horaire, j'ai des applications pour avoir la bonne orientation du soleil, la lumière dans le bon axe, pas être en contrejour. Des photos calées à l'avance quoi...
C'est là qu'on voit comment un photographe travaille, quand on voit soit ses planches contact, soit son Lightroom. Le Lightroom, c'est un peu notre jardin secret qu'on a pas envie de montrer, alors que c'est le plus intéressant, ça dit tout d'un photographe.
Quand on débute la photo, le noir et blanc est un formidable outil pour travailler le regard, parce qu'avant tout le noir et blanc, c'est le travail des lignes... Le noir et blanc va m'aider à être focalisé sur la composition, sur les lignes de force.
Dans mon travail, j'aime bien aller à l'extrême.
La colorimétrie d'un photographe... c'est un peu sa carte d'identité.
Quand tu travailles en noir et blanc, ton oeil est vraiment focalisé sur ce qui fait la clef d'une image: Les lignes de force, la dynamique, la composition, la géométrie.
En général, les plus belles lumières sont juste après la pluie.
On parlait du mythe de l'instant décisif, des fois tu as quand même ce moment où tous les éléments s'imbriquent, la bonne lumière, la bone ambiance, tu es au bon endroit au bon moment.
Au départ, donner un prix, se vendre, c'est extrêmement dur... Prendre conscience qu'on a une valeur marchande, c'est extrêmement dur.
Si tu t'imposes une forme de pression, c'est un vrai moteur.
Des fois, on prend en photo l'Histoire, sans s'en rendre compte.
Il faut vivre l'instant présent et se dire que les photos qu'on prend aujourd'hui, demain ça sera un témoignage historique. Il faut toujours documenter l'instant présent.
DANS CET ÉPISODE, ON PARLE DE:
Ces photos:
Podcast: The Tim Ferriss Show
Steve McCurry - Livre: Steve McCurry inédit
Episodes: Patrick Lombaert - Annie Gozard - Sebastien Roignant - Christophe Brachet
Maï Lucas - Livre: Hip Hop diary of a fly girl
Recommandation d’invité : Augustin JSM
A propos du Podcast:
Hôte: Julien Pasternak - Instagram - LinkedIn - Clubhouse
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Générique d'intro: Joakim Karud (https://soundcloud.com/joakimkarud)
Générique de fin: Dyalla Swain (http://soundcloud.com/dyallas)