064 - J'essaie par défaut de ne pas orienter tout sur la photo - Nicolas Bellon
Nicolas Bellon est photographe à l’Ile de Ré, et au delà de ses superbes photos qui me donnent envie de visiter l’ile en famille juste pour une séance avec lui, nous allons parler de son approche basée fortement sur l’hyper local et l’expérience du client, et voir que parfois, pour faire de belles photos, il faut que l’aspect photo passe au second plan.
Dans cet épisode, on parle:
de l’île de Ré,
de simplifier son identité,
de connaître le terrain,
d’être obsédé par l’expérience client,
de travailler en couple,
De se remettre en cause,
de travailler avec des contraintes,
d’être obsédé par les détails,
de GIF animés,
de tout faire bien comme il faut pour se rendre compte que ça ne fonctionne pas,
mais surtout, on digresse, on digresse, on digresse, et c’est super intéressant…
Bienvenue dans l’œil de Nicolas Bellon.
LEGOS DE L'ÉPISODE:
Photographe, c’est ce qui me permet de vivre sur une île, et ma famille c’est ce qui me permet d’avoir envie d’y rester.
Il y en a d’autres (des photographes sur l’Ile de Ré), mais je le crie peut-être un peu plus fort. Je revendique ça et ça fait partie de mon identité.
Mes spécialités elles sont définies par le lieu.
J’essaie par défaut de ne pas orienter tout sur la photo, j’essaie de détacher les gens de cette idée de la photo, ou de contacter un photographe pour un résultat photographique. J’ai essayé d’être photographe comme c’est écrit, avec une prestation, une approche commerciale, et en fait ça a rendu des photos de photographe que j’aime pas, figées et où il ne se passe rien. J’étais inspiré par des photos où il y avait de la vie, des moments intenses.
J’ai complètement laissé tomber ce coté photographique, je m’en fous. J’ai juste un appareil photo parce que c’est ce que j’aime, mais ça n’intéresse pas les gens, et puis j’essaie de me dire « OK, qu’est ce qu’une famille à ce moment là aurait envie de vivre? A quel moment ils pourraient créer un souvenir profond? »
Moi ma vie au quotidien, c’est un iPhone pour prendre des photos parce que c’est à ce moment là que les moments forts se passent, et ils sont forts parce que je ne suis pas avec mon appareil photo.
Tu vends un résultat aux gens, tu vends une photo propre, cadrée… je ne suis pas assez bon quoi, mon intention c’est de pousser les gens à vivre un vrai bon moment, et des fois je peux même faire des photos un peu fuckées, c’est pas grave, ça leur rappelle juste des moments différents.
OK on est dans la nature, mais en vrai si tu as un truc un peu symétrique derrière ça construit ton image.
C’est là dessus que je vais soigner cette petite frustration que je vais avoir dans la répétition: je vais prendre le temps d’expérimenter un peu le matos, je vais essayer de rentrer plus profond dans la tête de mes couples, parce que par défaut je sais où on va aller, je sais quel type de photos je peux leur amener, je connais la lumière et mon matériel, qu’est ce qui peut foutrement changer? Ca va être eux, fondamentalement, leur histoire et à quel degré on peut trouver du sens à les faire s’asseoir ici, les mettre dans telle position ou les faire boire tel type de truc à tel endroit. C’est plus par eux, par ce qu’ils sont, que je peux me renouveler.
Je travaille énormément à montrer, sur mon site et mes réseaux, plus d’expériences.
Je publie peu parce que je ne peux pas être surcréatif.
Je suis plutôt un slasheur, au delà de la photo. Dans ma vie, j’ai toujours fait plein de trucs différents, en essayant quand même d’être bon, de bien faire les choses.
Le Covid m’a permis de me vider la tête et de réfléchir à plein de choses.
Me diversifier, c’est un choix assumé aujourd’hui.
Je fais beaucoup beaucoup de choses.
(Sur son studio - NDLR) C’était vraiment hyper important de ne pas avoir cette impression d’être dans un studio photographique avec le photographe, le petit ordinateur, le fond blanc qui descend.
J’ai des rêves que j’ai pas forcément atteints, mais là j’en ai construit d’autres.
J’ai dit « clients », je devrais dire « couples ».
Pendant deux ans, j’étais vidéaste de mariage, avec tout le matos qui va avec, la peur de tout, faut tout acheter, tout essayer.
Le GIF est l’équilibre parfait entre cette image vidéo que tu as en tête, que tu vois, et le souvenir qui doit être un instant, une seule photo qu’il faut choisir, c’est celle-là qui représente le moment.
Tu ne peux pas dire « c’est une triche ». C’est génial!
Est-ce qu’on y a pas juste pas pensé à l’époque?
En bricolant pendant une saison (le vidéo à coté de la photo - NDLR), je me suis rendu compte que ça pouvait être une offre.
(Sur la capture de l’audio en mariage - NDLR) N’importe quel moyen sera bon, c’est comme si on pouvait capturer une odeur et la renvoyer au couple par la poste six mois après le mariage.
Quand tu accompagnes des gens lambda dans la vie de tous les jours, le moments ne sont pas intenses et très courts, résumés en quelques secondes. Ils sont souvent étalés.
Tout ce qui peut faire remonter du souvenir, c’est de la nourriture pour nous les photographes.
Un artiste pour moi est avant tout quelqu’un qui propose quelque chose de singulier.
Il y a tout le temps des points en commun chez les gens qui me contactent, est-ce que ce rapport à l’émotif est similaire au mien?
Je me dis tous les jours ils passent devant ces photos et c’est moi qui les ai faites, c’est hyper important.
Ce n’est pas ma personne que j’essaie de vendre, c’est une personne qui n’est pas juste un photographe, pour que ça filtre aussi.
Il a fallu que j’essaie de donner une définition au storytelling puisque c’est juste un mot stylé que tout le monde utilise comme il veut… J’ai fait un onglet sur mon site où je développe ce qui aujourd’hui pour moi représente mon storytelling… et je parle énormément du lien… et ce qui veut dire que je veux avoir des sujets de discussion avec eux et des points en commun.
Je ne suis pas non plus leur copain, mais je suis un Rétais… un mec du coin qui leur propose quand même une approche de photo cool… ça crée quelqu’un d’accessible.
J’aime beaucoup poser des questions… je m’intéresse à tout, je veux comprendre et surtout, je ne leur pose pas des questions juste pour parler, je leur pose des questions par lesquelles j’essaie de me nourrir moi personnellement.
De la même manière que je ne veux pas livrer une galerie photo avec les visages les uns à coté des autres… pour expliquer le pourquoi des détails et des images de transition, photographier des choses qui n’ont pas de sens dans un reportage, ça donne de l’air.
Tu as, avec le même cadrage, quinze belles photos du même sujet. Ça, c’est inconcevable pour moi, je vais passer du temps à choisir une photo et je vais la mixer avec des photos qui ont un lien indirect. Ca peut être des détails que j’ai vus entre la maison où se préparaient l’un et l’autre.
Le résultat de tout ça c’est quand même une foutue galerie… Moi j’aimerais qu’on me livre ça.
Tous ces petits détails vont être du pain béni pour moi pour casser mon reportage et donner de la respiration.
Je clique sur là où je trouve que la lumière est cool, peu importe ce que c’est.
Si c’est beau, ça va faire de la transition.
Vu que je bouge beaucoup autour de mes sujets, je capture plein de petits détails qui permettent de comprendre toute l’atmosphère qu’il y avait dans la pièce, quelle était la lumière, quels sont les détails autour, et le sujet vient toujours en dernier.
Plus tu es un mélange de rencontres et de gens, plus tu te dilues.
Il y a vraiment une passion sur « OK, cette photo, comment elle a été faite? ».
Si le fond est pas terrible, j’essaie qu’il y ait une lumière dedans.
Je travaille énormément à développer d’autres choses (que le mariage - NDLR), d’une part parce que je pense à la suite et que je ne me vois pas à 45 ans accompagner des couples de 25 ans hyper fresh.
A partir du moment où tu décides de pouvoir mettre une somme et que tu n’attends pas forcément un retour photographique mais une expérience, je sais que derrière tu es quelqu’un qui a des trucs à dire, qui a envie de s’ouvrir à ça et donc tout est limpide.
Je me suis rendu compte avec clubhouse qu’il fallait, à un moment, me décrire de manière simple.
(Sur l’île de Ré - NDLR) Ca crée forcément des questions dans ma tête de « quelle personne je serais si je n’étais pas attaché à ce lieu? ».
A partir du moment où tu dis que tu vis sur une île, je suis en tongs toute la journée et je bois des cocktails, évidemment…
Choisir c’est dur. Choisir ses images quand tu dois bloguer, c’est pas évident. Il y a beaucoup d’angles différents que tu peux prendre, il faut à un moment imposer cet angle de vue.
Quand tu rentres dans les blogs, là c’est vraiment l’histoire des couples.
Le fait de mettre beaucoup d’images et beaucoup de texte fait que les gens qui vont passer du temps à lire sont engagés.
J’aime dans les reportages qu’il y ait de l’avant et de l’après, c’est pour ça qu’il y a beaucoup d’informations dans ces reportages, parce que toute l’expérience qu’on a avec eux (nos couples - NDLR), on la partage.
On est autour d’un marché du mariage sur l’Ile de Ré qui est important, donc ça représente beaucoup d’argent, mais la vérité c’est que quand tu es un prestataire ou un intervenant… tu ne représentes qu’une petite partie d’un gros budget.
J’espère que je vais voir des choses qui vont me permettre de montrer plus ce que j’ai comme vision et d’essayer de trouver un moyen d’être plus singulier dans mon approche.
Quand je termine à minuit, que je pose mon boîtier, je bois un coup avec les gens, je prends ma voiture et en cinq minutes je suis dans mon lit avec ma famille, et le dimanche matin je suis réveillé par mes enfants et je peux faire un petit dej. Ça c’est la magie que beaucoup ne peuvent pas, malheureusement, s’offrir, ceux qui décident de faire ce métier de photographe de mariage, et qui ont des familles, et qui essaient de faire ce compromis, je sais comme ça peut être dur. Le mariage local, c’est la vie, j’aimerais que tout le monde se spécialise sur un secteur.
Et surtout, viens avec ta famille, parce que c’est trop bien de tout de suite avoir des points communs, tout de suite parler pas forcément photo, mais parler moments de vie.
DANS CET ÉPISODE, ON PARLE DE:
Ces photos:
David Alan Harvey: « Shoot how it feels, not what it looks like »
La plante verte du mariage de Marie et Clément (Je vous laisse la découvrir dons son élément naturel)
Ma photo de la porte fermée sous Photoshop derrière le marié:
Recommandation d’invité : Rafal Bojar
A propos du Podcast:
Hôte: Julien Pasternak - Instagram - LinkedIn - Clubhouse
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Générique d'intro: Joakim Karud (https://soundcloud.com/joakimkarud)
Générique de fin: Dyalla Swain (http://soundcloud.com/dyallas)