075 - j’aime bien aller vers ce que je ne maîtrise pas - Morgan Le Tourner
Morgan Le Tourner est un vrai passionné de photographie, de ceux qui sont capables de sortir par plaisir et de ne jamais partager les photos qu'ils ont réalisé ce jour là, parce que la joie de faire des images suffit. Au cours de notre discussion, nous allons parler de sa manière de progresser et de complexifier graduellement ses images pour en faire des photos à la lecture bien plus subtile qu'il n'y parait au premier abord.
Dans cet épisode, on parle:
de Street Photography en voyage,
de motivation fluctuante,
de ne pas déclencher,
de créer du relief dans ses images,
de travailler la nuit et photographier le jour,
de créer des images complexes de l'esthétique des villes Françaises pleines de couleurs et de Bistrots,
de lignes pas droites et de casser les règles,
de faire durer son matériel,
de lisibilité des photos,
de l’importance de s’entrainer,
d’échouer gratuitement,
d’être plus près de son sujet,
de parenthèse argentique,
mais surtout, on va parler du meilleur endroit ou transporter son appareil, et petit spoiler, c’est pas au fond d’un sac…
Bienvenue dans l'oeil de Morgan Le Tourner.
A propos de l’invité: Morgan Le tourner
LEGOS DE L'ÉPISODE:
Je suis conducteur de trains malgré moi et passionné de photographie
(Steve Jobs) je peux lui montrer sa vie de tous les jours sous un angle plus intéressant.
J’aime bien photographier, changer de ville, avoir de nouvelles choses devant les yeux.
On a toujours ces périodes de hauts et de bas, de motivation et de déceptions sur son propre travail. En ce moment, la créativité et la motivation sont plus difficiles à trouver.
La street, on peut en faire partout, mais s’il y a un peu d’animation c’est toujours plus agréable.
Il y a beaucoup de grands photographes qui ont shooté juste autour de chez eux, moi j’aime bien bouger, être interpellé par des choses que j; ai pas l’habitude de voir.
J’ai jamais fait de voyage que pour la photo, mais ça fait partie des choses que j’aimerais faire dans le futur.
C’est souvent pas le lieu qui fait la photo. Je me plais quelquefois à poser des choses pour progresser dessus, que ce soit sur la compo ou sur la lumière, et souvent le lieu on reconnaît pas où je suis.
Paris reste un de mes terrains de jeu favoris. Quand on est habitué aux rues de province où la lumière ne rentre pas et où il y a une personne toutes les heures qui passe dans la rue…
Mes sources d’inspiration c’est pas forcément la street, j’ aime beaucoup Saul Leiter pour ça parce qu’il avait un coté très mode… et c’est plus ce qui m’inspire, la photographie de mode, les reporters de guerre, je suis toujours impressionné par ces conditions. C’est presque bizarre de s’arrêter devant une photo de reporter de guerre et de se dire c’est beau, c’est bien composé, alors que souvent c’est des images qui sont dramatiques, qui sont tristes…
Ce qui me fait déclencher? En réalité je pense qu’il faudrait parler de ce qui nous fait pas déclencher, nous les photographes de rue, parce qu’il y a souvent beaucoup de choses qui nous attirent.
J’ai toujours ce truc de me dire « Est ce que ça va être aussi intéressant ce que je vois que ce que je vais présenter en image ». Cet exercice là est assez plaisant.
Je déclenche beaucoup, je suis très enthousiaste quand je sors et que j’ai mon appareil, mon regard se pose partout.
(Être créatif) je pense que c’est d’essayer: Essayer de faire les choses, de sortir de sa zone de confort… à partir du moment où on tente les choses, même si on s’inspire de choses qu’on a déjà vues, on le remanie à sa sauce, et à partir de ce moment là on est créatif.
J’ai essayé de bosser sur ces impressions de 3D, de relief, de donner de l’angle un peu à l‘image. En passant toutes ces étapes, je me suis rendu compte que ce qui comptait, c’était l’équilibre, trouver un équilibre sur les images, plus que les lignes.
Des fois, en voyant mon image, je sais que je ne la publierai pas parce que pour moi c’est pas du tout équilibré.
Je passe par des étapes ou je sature les sujets (techniques - NDLR), et quand je vois que je maitrise… je vais souvent là où je maîtrise pas.
On a une chance avec le numérique, c’est que le coût essai/échec est nul, on a une réponse instantanée à ce qu’on fait, on a une marge de progression qui est énorme et qui existait pas avec l’argentique, et moi j’adore essayer, j’adore rater en photographie… parce que je sais que ça va mener à quelque chose de mieux derrière.
Le plus compliqué quand il y a plusieurs sujet, c’est qu’ils ne se marchent pas les uns sur les autres, c’est qu’il n’y ait pas un vide incohérent sur le milieu.
Ca a duré, comme souvent, 3-4 secondes, mais si on a pas l’appareil en main et qu’on est pas là…
Ca fait pas tout, maîtriser son boîtier et pas arriver à capter les choses…
J’aime bien aller vers ce que je maitrise pas, et j’ai commencé à m’imposer d’avoir 3-4 sujets, puis 4-5, puis d’essayer de complexifier la chose, l’exercice de base c’était ça, arriver à avoir une composition complexe où on voit pas forcément du premier coup d’œil ce que je veux montrer, et souvent c’est un détail… j’ai fait un peu le tour des grandes lignes, et maintenant quand j’ai ce détail, je suis toujours dans ma compo, je recule et je me dis « comment je pourrais placer ça avec ce que j’ai autour de moi ».
En changeant de focale, on se rend compte qu’on peut capter des choses différentes, qu’on aurait pas regardé le monde de la même façon.
Je me dis plus « si j’avais eu le 56 j’aurais fait ça », je me dis « C’est devant moi, comment je peux rendre ça intéressant avec mon 16mm ».
C’est un exercice difficile (d’apprendre une nouvelle focale), c’est pour ça que c’est intéressant d’y aller. En restant dans la facilité, la marge de progression elle reste minime.
La contrainte amène l’adaptation, et la progression suit derrière.
Instagram on sait ce qui marche, il y en a beaucoup qui se contentent de rester là dedans, … moi j’aime bien me renouveler, inventer et aller là où je maitrise pas, et savoir que ça y est, je gère mon équilibre et mes compos.
J’ai encore passé une étape, et toutes ces petites étapes, ça fait une compo intéressante.
J’étais en phase descendante… je pense que c’est important aussi pour progresser, si on est en auto kif sur son boulot et qu’on se trouve le meilleur du monde…
Des fois, l’image me suffit, je clique, des fois en rentrant je vais la voir sur l’ordinateur, mais j’ai pas besoin de la sortir.
J’ai des pellicules que j’ai amené à développer, j’en ai amené 10 en même temps, je savais plus ce qu’il y avait dessus du tout, et je me procure un peu ce plaisir avec le numérique, en laissant mijoter de coté.
Ce coté de redécouvrir ses photos, et de pas avoir le nez, en shootant, de pas voir immédiatement le résultat de la photo que tu as faite.
C’est une jolie parenthèse l’argentique, à la photo numérique, ça permet de souffler et de se poser à 100% dans l’image. Je pense qu’on devrait tous passer par l’argentique.
Dans la rue je pense que même la chose la plus créative qu’on peut attendre, si on attend assez longtemps ça se passe… Faut pas s’empêcher de dire « je veux ça », et la rue elle te le donne.
Les gens ont tendance à refaire les mêmes choses.
Il faut prendre le temps, c’est quelque chose que je fais souvent. Après dans la rue c’est un exercice particulier, parce qu’on se dit qu’on attend, qu’on va louper autre chose.
Il y a toujours une partie de chance dans la photo de rue, mais c’est provoqué et en partie maitrisé.
Ca aurait pu marcher aussi en frontal, mais le reflet m’amène quelque chose.
Si t’as l’impression de faire quelque chose de pas normal, de pas être légitime, de gêner, la personne en face va le sentir.
C’est toujours bienveillant. Si en regardant la photo j’avais senti quelque chose d’ambigu ou de malsain je l’aurais pas publiée.
S’approcher c’est un exercice, et c’est pas simple pour un photographe.
Si on shoote de face et que c’est plat, ça marche pas, donc l’exercice c’est de se décaler, de composer dans son viseur, et de voir les lignes qui peuvent lever ce coté plat et donner un coté dynamique à l’image.
Il y a toujours ce coté de se dire « je shoote sans personne mais s’il y a une petite main qui peut se glisser… »
Faut se diversifier, et puis souvent provoquer la chance.
Il faut profiter de cet essai/échec gratuit en numérique… Si tu sens que ton image, il y a quelque chose d’intéressant, il faut travailler dessus.
Travailler en se faisant plaisir, c’est le meilleur moyen de progresser
Le meilleur moment c’est quand je sors faire de la photo. Quand je suis avec mon appareil dans la rue, je suis hyper enthousiaste. J’ai des fois du mal à sortir, mais chaque fois que je sors j’ai au moins une image à ramener.
DANS CET ÉPISODE, ON PARLE DE:
Ces photos:
Saul Leiter
Harry Gruyaert
Mitch Epstein
Abbas
Fabien Ecochard
16 mm Fuji
TT artisan 16mm 1.4
Recommandation d’invité: Tarek Zaigouche
A propos du Podcast:
Hôte: Julien Pasternak - Instagram - LinkedIn - Clubhouse
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Générique d'intro: Joakim Karud (https://soundcloud.com/joakimkarud)
Générique de fin: Dyalla Swain (http://soundcloud.com/dyallas)