077 - Il faut avoir la liberté de penser qu’on peut faire tout ce qu’on veut, même si on sait qu’on peut pas tout faire - Carolina Arantes
Carolina Arantes s'intéresse aux autres, et ça se voit dans son travail. Du sujet plus proche qu'on ne le croit à son empathie pour les sujets qu'elle traite, nous aborderons lors de cet épisode la nécessité de montrer sans juger, tout en mettant beaucoup de soi dans son travail. Ca peut paraitre compliqué comme ça, mais ça sera bien plus clair après avoir écouté ce nouvel épisode.
Dans cet épisode, on parle:
de Gilbert Garcin et d’avoir l’esprit enfantin,
de la beauté qui n’est pas nécessairement belle,
de quoi raconter,
d’argent,
de questionner,
de colonisation,
des Two Mann,
du moment plus important que la technique photo
du pouvoir et de qui le détient,
de puzzle et d’usual suspects
de discuter plutôt que de moraliser,
d’un bon portrait et d’humanité,
d’être testée en permanence,
mais surtout, on va aborder l’importance de flâner et d’être libre pour produire un travail qui a du sens.
Bienvenue dans l'oeil de Carolina Arantes.
LEGOS DE L'ÉPISODE:
J’ai une approche de me présenter. Normalement quand j’ai envie de rencontrer quelqu’un je n’hésite pas à me présenter.
En général, il faut suivre son envie et son instinct de photographe pour avoir l’image.
(Gilbert Garcin) Avoir cette maturité, parce qu’il avait déjà vécu énormément, donc il a une conscience de l’existence, de la vie assez claire, mais avec son esprit d’enfant d’une personne qui commence avec jouer avec les images, ça c’est l’idéal pour nous en tant que photographes.
C’est la beauté qui me fait déclencher… mais cette beauté ça peut être quelque chose qui n’est pas beau pour les autres.
La beauté ne veut pas dire qu’elle est joyeuse, c’est quelque chose qui te touche, qui te rend humain.
On pense que la beauté c’est de ne pas avoir de rides, ce n’est pas le cas. Des fois les rides sont extrêmement belles.
Il faut avoir la liberté de penser qu’on peut faire tout ce qu’on veut, même si on sait qu’on peut pas tout faire.
Je pense que l’éducation devrait pousser les enfants (à être plus créatifs - NDLR), avoir cette liberté, aller plus loin dans soi-même, à la place de les casser et de les mettre dans des cases.
Mes sujets viennent de mon jardin, autour de chez moi en fait. Je ne cherche pas très loin de ce qui est autour de moi.
(Sur les femmes dans son livre) En tant que femme blanche, je ne pouvais pas parler à leur place. C’est leur experience, je ne pourrais pas transmettre plus d’empathie que j’ai… je ne considérais pas que mes photos devraient être la parole finale.
Leur parole guide les images et les images complètent leur parole.
La première chose, c’est de se mettre en accord avec la lumière… quand tu arrives à un endroit. La deuxième chose, c’est le moment, et le moment, il faut que tu t’ouvres et que tu entendes avec tes oreilles, tes yeux et tes sentiments ce qui se passe. Tu es chez quelqu’un, tu es dans l’ambiance de l’autre, et donc tu reçois. Et tu essaies de suivre les moments qui manifestent cette émotion, cette ambiance.
Des fois, la photo est dans une mauvaise lumière et tu te dis « zut ».
Il y a une prévoyance dans l’action de la photographie, c’est à dire que si tu es en plein accord, et ca c’est presque bouddhiste parce que tu dois être dans un état de méditation, et que tu vas avec la situation, tu prévois que la personne va faire un geste et tu le prends.
Pour moi ce n’est pas un portrait parce c’est un moment de la vie de quelqu’un. Je pense que le portrait, il y a un consentement, une interaction.
Je commence à bien m’amuser avec le flash, parce qu’il y a quelque chose de staged (mis en scene- NDLR), de théâtre, qui me plait. En reportage, je ne l’utilise jamais.
L’argent est nécessaire, on doit vivre avec, mais cette joie de partager, cet élan d’aller s’amuser et s’éclater, je pense que c’est là qu’on trouve la motivation du sujet.
C’est des expériences émotionnelles spécifiques, parce que tu es dans un abattoir, c’est fort, tu vois les animaux qui vont entrer et qui vont mourir, il y a du sang, des gens qui travaillent quotidiennement avec les odeurs… mais je m’éclate parce qu’il y a des images, des activités, une réalité, et pour moi le monde c’est comme si c’était une sorte de surréalisme.
Il y a le surréalisme dans la vie, qui m’impressionne: comment on peut vivre, faire, accepter certaines choses, c’est ca qui me motive à questionner, c’est la curiosité.
En fait c’est une travail sur la colonisation, parce qu’on reste dans le pouvoir de la terre: qui détient la terre, qui détient le pouvoir, qui détient les décisions environnementales, territoriales du pays.
Je pense que je suis sur des questions de pouvoir, sans le vouloir en fait.
Je pense que l’image ne résume pas tout.
Il faut réduire la vitesse et écouter.
Le portrait c’est magique en photographie… on voit quelle est l’identité de l’autre.
Ton humanité me touche dans mon humanité, et en tant qu’humains on est complexes donc le portrait c’est une ouverture magique pour ça. Un bon portraitiste c’est incroyable.
Il faut mettre de soi, il faut vraiment caser toi même avec la personne dont tu fais le portrait, et tu attaches le sentiment que la personne te donne, et tu cherches en toi-même. Si je devais photographier Bolsonaro, j’irais chercher en moi toutes mes rages, tous mes cotés pénibles, il faut qu’on soit ouverts à ça.
Je ne dénonce pas, je pense que c’est l’existence. Je ne mets pas le doigt, je montre que ça existe, qu’est-ce qu’on va décider avec… Ce n’est pas à moi de décider ça.
Quand il a vu que j’étais correcte, que je n’allais pas pointer du doigt, et que j’allais comprendre la condition pour laquelle cela est arrivé, parce qu’il y a une histoire des choses, et qu’on peut pas juger simplement avec un regard désagréable, il faut qu’on comprenne les choses d’abord, là il m’a dit tu peux le faire ce reportage.
Il m’a testée énormément, il y a toujours des tests quand on va faire des reportages.
Je compte sur la conscience des gens, j’espère qu’on arrive encore à avoir de la confiance pour juger les choses et définir ce qu’on veut.
La beauté est là aussi, dans la contradiction. On ramène la beauté et on met la situation sur la table pour réfléchir. Mais il faut réfléchir…
Leur voix, c’est leur portrait, et la somme de toutes c’est voix, c’est le portrait de cette identité qui est en train de se construire dans cette biculturalité Franco-Africaine.
Des fois, tu saisis plus le moment que la perfection de l’image.
Tu empathises… c’est des émotions d’être photographe.
Ne pas juger le travail: Tout travail est intéressant.
Pour être créatif, il nous faut du temps, il faut vraiment flâner, de la liberté, vivre, imaginer, et ce temps d’ennui, qu’on perd avec la comptabilité…
Il y a des gens qui tiennent la route quand ils sont malheureux au travail, moi je souffre profondément.
Quand tu as envie de faire quelque chose et que tu es consciente de la valeur que ça a dans ta vie, tu vas trouver un moyen de le faire.
Il faut vraiment aider les gens quand tu as l’opportunité d’aider parce que c’est nous qui recevons au final.
DANS CET ÉPISODE, ON PARLE DE:
Livre Mr G de Gilbert Garcin
Article du blog sur Gilbert Garcin
Expo apprentis d’Auteuil
Usual Suspects
Olivier Laban-Mattei
Film: les ailes du désir
Recommandation d’invité: Delphine Diallo
A propos du Podcast:
Hôte: Julien Pasternak - Instagram - LinkedIn - Clubhouse
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Générique d'intro: Joakim Karud (https://soundcloud.com/joakimkarud)
Générique de fin: Dyalla Swain (http://soundcloud.com/dyallas)